Du 8 au 27 Janvier 2019, Annie et Albert Boudot et Geneviève Mauguet, membres de la commission Haïti sont partis en mission dans ce pays pour rencontrer les acteurs et évaluer avec eux les projets accompagnés par LACIM là-bas. Parallèlement, un stage à la gestion des microcrédits et boutiques était animé pendant 4 jours par Expert-Comptable Sans Frontières, au profit de deux comités jumeaux de LACIM.
Situation du pays
Dès notre arrivée, nous avons ressenti la tension régnant parmi la population. Pourtant d’un naturel si optimiste, faisant preuve d’une capacité de résilience hors du commun face à toutes les catastrophes subies, les Haïtiens que nous avons rencontrés nous ont fait part de leur grande lassitude. Certains semblent basculer dans le découragement, d’autres expriment leur colère, tant leur vie quotidienne devient difficile sans espoir d’amélioration.
Nous avons vécu ces trois semaines en intégrant dans notre organisation la pénurie de carburant, les déplacements quasi impossibles à Port-au-Prince à certaines heures de la journée, l’absence d’électricité, les difficultés de connexion à Internet…
Comment comprendre cette crise qui entraîne une dégradation des conditions de vie sans précédent ?
La liste des problèmes qui rongent le pays est longue :
– une insécurité alimentaire faisant des ravages parmi les populations les plus vulnérables alors que la richesse agricole potentielle est immense
– une inflation de la devise haïtienne de 15 % en 2018, un déficit budgétaire entraînant une hausse des prix à la consommation insupportable pour le consommateur. Pour exemple, le prix du pain a augmenté de 10 % ces deux derniers mois
– une corruption de plus en plus marquée. Le scandale des Pétro Caraïbes a fait basculer Haïti au second rang des pays les plus corrompus de la région Caraïbes et Amérique Latine
– une escalade de la violence sur fond de rivalité entre gangs, mais aussi sur fond de misère profonde et de révolte du peuple
– une crise politique dont personne ne voit l’issue. L’absence de l’Etat entraîne un délitement de l’ensemble des secteurs structurants, de l’économie à l’éducation, de la santé à l’aménagement du territoire
– une ingérence étrangère qui, depuis 1804, n’a cessé de peser sur l’histoire et le développement de ce pays.
Mais il serait dangereux de s’arrêter à ce constat négatif. Pour comprendre Haïti, il faut aussi observer la société civile haïtienne, certes parfois désabusée et épuisée, mais encore capable d’initiatives citoyennes remarquables et réalistes. Cette caractéristique constitue « l’un des moteurs majeurs du développement économique et social » de ce pays.
Nous avons rencontré des citoyens actifs, des responsables d’associations ou d’entreprises qui ont su prendre les choses en main, inventer, dans l’objectif de participer au développement du pays, sans se laisser abattre par le découragement et les difficultés.
En Haïti, il ne manque pas de projets de développement locaux qui ne demandent qu’à être multipliés. Face aux carences politiques, ils doivent cependant encore être soutenus par des O.N.G.
Les jumelages de LACIM en Haïti
Nous avons été chaleureusement accueillis par les prêtres des jumelages. Ce sont pratiquement les seuls qui peuvent nous héberger dans des conditions correctes en dehors des hôtels, même si leurs presbytères sont souvent privés d’électricité, avec des sanitaires minimalistes !
Nous soulignons le sérieux, la qualité relationnelle et l’implication de ceux-ci. Même si ce point nous interpelle, il convient de comprendre combien la société haïtienne est liée au monde religieux, très fortement et authentiquement engagé auprès des plus pauvres. Historiquement, LACIM a commencé avec des structures religieuses. Sur les 10 jumelages actuels, 8 sont adossés à une paroisse ou une congrégation, 2 seuls s’appuient sur une structure civile.
Par ailleurs, si la langue française est enseignée à l’école, sa pratique est très aléatoire parmi la population. Aussi, le rôle de CEFORS à nos côtés a été particulièrement important avec :
– des traductions précises de nos échanges avec les acteurs de terrain, surtout en milieu rural. Si nous pouvons comprendre quelques mots, quelques expressions en créole, les contre-sens peuvent s’inviter facilement !
– une réflexion approfondie sur ce qui a été exprimé, surtout après des débats de fond avec nos interlocuteurs.
Enfin, nous pouvons nous réjouir de constater que dans pratiquement tous nos jumelages, le sens de l’engagement de LACIM auprès des populations les plus pauvres est désormais compris.
Notre invitation à sortir du cycle de « l’assistanat » et à engager des projets générateurs de revenus est intégrée. Plusieurs nouveaux projets, très intéressants, sont en train d’émerger. Nous avons travaillé sur un canevas permettant de les formaliser afin de pouvoir les proposer plus rapidement et plus facilement à de nouveaux comités qui souhaiteraient s’investir en Haïti.
Soutenir des initiatives citoyennes comme le fait LACIM a donc tout son sens en Haïti.
Ce foisonnement d’initiatives pourrait connaître un important développement si l’investissement, à la fois financier et humain, et la formation, surtout auprès de cadres intermédiaires, étaient à la hauteur des enjeux.
Les Haïtiens apprécient la démarche de LACIM qui s’inscrit dans la durée, la confiance réciproque et le principe du suivi régulier.
Geneviève MAUGUET et Annie BOUDOT, association du Creusot (71) ■